Quelle responsabilité pour l’expert-comptable ?

La généralisation de la facturation électronique bouscule les pratiques, mais aussi les responsabilités.
Entre accompagnement, conformité et vigilance, les experts-comptables deviennent un maillon clé de la réforme.
Mais où s’arrête leur mission, et où commence celle du client ?

La réforme redessine les frontières du métier

Jusqu’ici, la mission comptable s’arrêtait souvent à la saisie et au contrôle des pièces justificatives.
Avec l’e-invoicing, le cabinet intervient désormais au cœur du flux : émission, réception, archivage, conformité des données.
Cette proximité avec les systèmes d’information modifie en profondeur le périmètre de responsabilité.

Les experts-comptables ne deviennent pas éditeurs de logiciels, mais ils en deviennent garants d’usage.

Le risque principal : la confusion des rôles

De nombreux dirigeants imaginent que leur expert-comptable “gère tout”.
En réalité, la responsabilité juridique reste partagée :

  • l’entreprise reste responsable de la conformité de ses factures ;
  • le cabinet est responsable de la qualité de son accompagnement et de ses conseils.

Autrement dit : mal orienter un client sur une plateforme, ou ignorer un risque de non-conformité, peut engager la responsabilité du professionnel.

Le devoir de conseil renforcé

Comme dans d’autres domaines (fiscalité, social, juridique), le devoir de conseil s’étend désormais au champ numérique.
Les experts-comptables doivent informer leurs clients sur :

  • les échéances réglementaires,
  • les formats à adopter,
  • les risques liés à une mauvaise intégration.

Un cabinet qui garde le silence ou transmet une information erronée pourrait voir sa responsabilité engagée.

Le bon réflexe : tracer l’accompagnement

Pour se protéger, les cabinets adoptent une méthode simple : documenter leurs recommandations.
Courriers, comptes rendus de rendez-vous, ou attestations de choix de plateforme signées par le client.
Cette traçabilité prouve que le cabinet a bien rempli son devoir de conseil, sans empiéter sur la responsabilité technique du client.

PDP, PPF, opérateurs : vigilance sur les partenariats

Autre sujet sensible : les partenariats avec des plateformes de dématérialisation.
Les cabinets peuvent recommander des solutions, mais pas se substituer à un prestataire agréé.
La DGFiP est claire : seul un opérateur enregistré comme PDP (Plateforme de Dématérialisation Partenaire) est habilité à transmettre les factures vers le portail public.

Les experts-comptables doivent donc vérifier les statuts des solutions qu’ils préconisent.

Former pour mieux sécuriser

La meilleure protection reste la compétence.
En se formant sur la réglementation, les flux et les formats, les experts-comptables renforcent à la fois leur rôle et leur sécurité juridique.
Un professionnel averti saura conseiller sans promettre, accompagner sans s’engager à la place du client.

Une responsabilité à double tranchant

L’enjeu est clair : plus d’impact, mais plus d’attentes.
L’expert-comptable devient un acteur de la transition numérique, avec la crédibilité que cela suppose.
À condition de garder un équilibre entre conseil, pédagogie et prudence.

Sources et références

  • DGFiP, Cadre légal de la facturation électronique – responsabilités et obligations des acteurs (2025)
  • Ordre des Experts-Comptables, Note d’information : devoir de conseil et e-invoicing (2025)
  • La Revue Fiduciaire, Facturation électronique : les limites de la responsabilité du cabinet comptable (2025)